La mort pour compagnie (acte I) 1ère partie
LA MORT POUR COMPAGNIE
Personnages
LEOPOLDO BRONX Mari d’Elda. Romancier en décadence. 50 ans
ALBAN MERLE Mari d’Eglantine. 29 ans
ELDA BRONX Femme de Léopoldo. 45 ans
EGLANTINE MERLE Femme d’Alban. 29 ans
ALICIA GUN (Manon) Nouvelle femme de ménage de Léopoldo. 23 ans
POGNON Editeur d’Alban. 60 ans
MOÏRA Ex-épouse de Coco (le crâne), mère de Léopoldo.
75 ans.
COCO (le crâne) Ex-époux de Moïra, père de Léopoldo. 82 ans.
LAVAL Homme de main de Pognon
TROU DE BALLE
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ACTE PREMIER
Dans le salon de Léoplodo
SCENE PREMIERE
Leopoldo, Alban
La musique d’Enigma « I love you, I’ll Kill you » de la 4ème minute 25 s à la 6ème minute 40 s se met en route.
Alban débarque en courant sur la scène, un révolver à la main suivi par Leopoldo . Les deux personnages se courent l’un derrière l’autre.
LEOPOLDO
1 Pauvre Alban ! Mon ami, ne perdez point le nord !
Une femme s'en va, certes, quel triste sort,
Mais rien ne sert longtemps de jeter votre larme
Sur votre cœur encore utile à quelque charme,
5 Pour l’amour de la vie !... Mourez à bon escient !
Et cessez de cracher ainsi sur le néant
Cent cris de désespoir qui ne changeront guère
Le cours de votre face en aucune manière.
Allons, reprenez-vous ! Un suicide, pourquoi ?
10 Cela n’est point sérieux, et en plus sous mon toit !
A présent donnez-moi cette arme souterraine,
Qu’enfin vous remontiez à la conscience pleine !
ALBAN
Jamais, vous m’entendez ! Je ne peux que mourir
Tant je tremble du mal que m’inflige à ravir
15 Ma traîtresse d’épouse...
LEOPOLDO
Oh ne soyez débile !
Un tel geste, et de loin, n’est pas le plus habile !
Nous pouvons discuter, nous asseoir, boire un thé
Car j’en vois votre cou un brin déshydraté.
20 Vous perdez la raison ; Je comprends, la souffrance,
Posons-nous, bavardons, c’est là de circonstance.
ALBAN
Jamais, vous comprenez ! Jamais, Leopoldo !
LEOPOLDO
Très très bien, appuyez, faîtes-lui ce cadeau !
Je suis sûr qu’Eglantine aura sur la minute
25 Un léger pincement, une larme qui chute,
Et peut-être avec chance à votre enterrement
Vous percevrez sa voix s’évaser un instant ;
Mais très honnêtement, voyez-vous avantage
A tirer de la mort au milieu du bel âge ?
ALBAN
30 Quel bel âge en effet ! Trente ans me parviendront
Et déjà l’avenir ne connaît d’horizon !
Ah ! quel merveilleux âge et quelle sainte aubaine
Que d’être un homme mûr pour comprendre ma peine !
Oui quel âge splendide ! Oui quel âge d’enfer !
LEOPOLDO
35 Je vous prie maintenant, posez ce révolver.
ALBAN
Le poser je le puis, là tout contre ma tempe
Qui n’attend qu’un déclic pour que du sang la trempe !
-SILENCE-
LEOPOLDO
Ouvrant la porte d’entrée
Puisque vous insistez, allez mourir dehors
Car j’accepterai peu l’odeur de votre corps !
40 Et le sang, vous savez, j’ai peur que cela tâche
Et Madame en ces temps travaille sans relâche ;
Quant à la bonne fée il ne faut point compter,
Mademoiselle encore ayant un fiancé !
Refermant la porte
Mais si tant vous souhaitez que le trépas vous morde
45 Attendez-moi ici, j’ai peut-être une corde.
Quittant la scène
Et pendant que je cherche, Alban, n’hésitez pas
Mettez-vous bien à l’aise...et surtout...pas d’éclats !
- SILENCE –
Mais où diable est passée cette corde ?...Oh, le bête !
Ma belle mère !...hélas...pardon pour votre tête
50 La corde est déjà prise, il vous faudra je crains
Mourir un peu plus tard ! Pas de bol j’en conviens.
Ou si quelques instants vous désirez attendre
Je décroche la vieille et vous pourrez vous pendre !
ALBAN
Dieu, quel humour macabre alors que je vais mal
55 Et que sur moi je pointe un objet de métal !
LEOPOLDO
Revenant sur la scène.
Deux fois j’ai divorcé, constatez par vous-même
Je me porte à merveille ! Lors de votre main blême
Se donner au ciel, non, cela ne vaut le coup !
N’ai-je point l’air heureux ? A part quand je suis saoul
60 Mais je croise les doigts, les pieds et la prostate
Deux mois que je ne bois ! Et ma femme s’en flatte !
ALBAN
Vous n’en aimiez aucune !
LEOPOLDO
Et qu’importe pardi
Ma première était belle et...ma deuxième aussi !
65 Et j’ai même une enfant qui a presque votre âge.
Mais revenons à vous, à vous et votre orage
Qui souffle et se déchaine en pleurs dans mon salon,
Alors que les éclairs sont seuls à Cupidon !
Mais de ceci Alban je ne veux pas débattre
70 Préférant éviter à l’ami de s’abattre !
Expliquez-moi plutôt ! Que je saisisse un peu ;
Et donnez-moi, bordel, cette chose de feu !
ALBAN
Se reculant
Vous... Une fille... Eh bien... Je ris mais je m’étonne.
LEOPOLDO
Riez tant qu’il faudra, c’est une idée si bonne
75 Car je ne suis certain que mort vous le pourrez !
ALBAN
Mais je n’en savais rien...
LEOPOLDO
Moi non plus, ! J’ignorais
Jusqu’à hier avant que sa mère m’appelle
Et m’annonce sans tact l’agréable nouvelle !
80 Nous dévoyons, Manon, n’est là d’aucun secours
Face à votre désir de raccourcir vos jours.
Oui, j’ai une Manon, que l’idée vous surprenne
Voir vous déconcerte, une petite graine,
Paraît-il un bijou dont vous n’en verrez rien !
85 Inconnue je ne peux vous en faire un dessin.
Retenez-vous Alban, mon vieil ami, de grâce,
Rentrez, habillez-vous, et pas d’une carcasse,
Et venez donc dîner auprès de ma beauté
Qui dans l’heure devrait à ma porte cogner.
ALBAN
90 Je suis curieux c’est vrai, d’une telle rencontre
LEOPOLDO
Mais c’est là naturel, de l’amitié je montre.
ALBAN
Vous m’avez convaincu, je mourrai donc après
Un tout dernier repas...
LEOPOLDO
Vous m’en remercierez !
ALBAN
S’approchant de la fenêtre
95 Votre fille et la mort, quel merveilleux dimanche !
Il serait idéal, sans ce bas ciel qui tranche
Et pleure le printemps intempestivement.
Se dirigeant vers la porte d’entrée
Au revoir Léopol, A ce soir, bien vivant !
LEOPOLDO
Vous ne sortirez pas sans prendre un parapluie
100 Et risquer de choper une crève jolie.
Sur le porte-manteau, juste à côté de vous.
Et prenez mon imper, l’intérieur est si doux.
ALBAN
Se servant
Je vous reconnais là...
LEOPOLDO
Rien ne vaut la prudence.
-BANG-
Le fusil posé sur le mur derrière Léopoldo tombe au sol. Les deux personnages se regardent. lui demandant son revolver.
105 Ah j’allais oublier...
ALBAN
C’est vraiment de la chance
Un peu plus sur la droite et vous l’aviez au cœur !
Léopoldo le regarde fixement. Alban dépose son arme sur le meuble de l’entrée.
Vous me rendrez mon feu.
LEOPOLDO
Léopolodo acquiesce de la tête, désenchanté.
Je n’ai qu’un seul honneur.
Alban sort de la scène, timide.
ACTE PREMIER, SCENE SECONDE
LEOPOLDO
110 Je suis sans me vanter fier de ma réussite,
Un ami veut sa mort et la veut au plus vite
Quand moi par un mensonge, un simple boniment,
Sans le dissuader, j’ai du moins cependant
Repoussé d’un chouia la terrible échéance.
115 Une fille inventée, oh mon Dieu quand j’y pense,
Et il a tout gobé, je n’y crois toujours point !
Manon, ma tendre enfant, venue de très-très loin,
D’une femme d’un soir au ventre plein d’étoiles,
Et au matin, soudain, nous aurions mis les voiles !
120 Et lui, ce pauvre Alban, séduisant...mais naïf ;
Quoique candide ici est un mot positif
Puisque attendant ce soir, il ne fera le geste,
Et d’ici là, sait-on, de cette idée funeste
Il n’aura plus le goût et, le connaissant, c’est
125 Presque s’il aura même en partie oublié.
Une fille ! Ah vraiment c’est à fond la galère
Moi qui HAIS les enfants ! Un être imaginaire
J’eus l’embarras du choix, que me voici papa !
Enfin...pour un dîner, ne pas en faire un plat.
Se signant et ricanant
130 Ma mère regrettée, heureusement pour elle,
S’en serait donc plus tôt allée dessous la stèle !
D’un ton grave
Mais Alban c’est Alban, je me dois de l’aider,
Voir un ami souffrir, c’est se voir à moitié
Et qu’importe un mensonge, il est de juste cause,
135 Et son ampleur égale à son mal je suppose.
ACTE PREMIER, SCENE TROIS
Elda, Léopoldo
Elda pénètre par la porte d’entrée, essoufflée, elle laisse tomber ses sacs de course.
ELDA
Ah tu es là Léo !
LEOPOLDO
J’habite ici mon cœur.
Mais dis-moi tu sembles...
ELDA
Semble sans ascenseur !
140 Pleine comme un baudet de sacs de nourritures,
Car il faut bien gaver toutes les démesures
D’un prince qui n’a point l’intention de maigrir
Qu’une fois dans sa tombe, à l’aise, et sans soupir.
LEOPOLDO
Examinant son ventre.
J’ai tout à l’heure presque...
ELDA
145 Ecoute-moi bon prince,
JE suis ta femme et...
LEOPOLDO
Vrai, que tu es belle et mince !
ELDA
S’en allant aux toilettes.
J’exige un ascenseur en état de m’aimer,
Et qui deux mois plus tard ne soit à regretter.
150 C’est tout pour le moment.
LEOPOLDO
Prenant les sacs et les emportant à la cuisine. A voix basse.
C’est déjà mieux qu’un livre.
-SILENCE-
ELDA
Hors scène
A propos et à moins que tu veuilles me suivre
J’ai promis à ma mère un restaurant ce soir,
Puis un scrabble chez elle avec Paule et Jaspar,
155 Tu sais, les Hamilton, ses amis de belote,
Très sympa par ailleurs.
Elle sort de scène pour déposer les sacs de course dans la cuisine.
LEOPOLDO
Revenant sur scène, et ramassant le fusil. A voix basse.
Le vieux et son idiote...
A voix haute
Ce n’est pas l’envie qui me manque ! Mais Alban
Et moi avons prévu un théâtre amusant.
ELDA
160 Je t’aurai proposé...
LEOPOLDO
Triturant son fusil.
Ah c’est vraiment dommage !
Tant j’apprécie ta mère, et tout son entourage ;
Ta mère qui malgré sa vie sur le déclin
A toujours cette niaque et Le Neurone plein !
Faisant semblant de tirer avec son fusil
165 Mais ce n’est là, dis-lui, qu’une partie remise ;
J’irai je ne sais quand lui faire une surprise,
Très bientôt c’est promis ! J’y compte richement !
Leopoldo replace le fusil sur son râtelier. Elda tire la chasse d’eau et revient sur scène pour s’affaler sur le canapé.
ELDA
Et vous allez voir quoi ?
LEOPOLDO
« Un repas... dans le sang »
170 D’un petit dramaturge inconnu mais habile
Et aux dires d’Alban, excellent vaudeville !
Une pièce trop rare où se mêle la mort
Et la curiosité dans un rire sans bord.
ELDA
Pour une comédie, en voilà donc un titre !
LEOPOLDO
175 Mais un titre ou un autre...
ELDA
A chacun son arbitre
Et qu’il contraste ou pas, je ne suis point l’auteur,
Je trouve simplement celui-ci peu rieur,
L’humour doit être noir ?!
LEOPOLDO
180 Pourvu que je ne dorme
Qu’il soit noir, bleu ou vert et qu’il me tienne en forme !...
ELDA
Elda se lève du canapé.
Cela me fait penser que Pognon, ton toujours
Editeur, n’est-ce pas, m’a demandé secours,
Puisque par tous moyens Monsieur reste injoignable
185 Et qu’en dernier recours, c’est tout juste notable,
JE suis un répondeur !
LEOPOLDO
Allant rebrancher le téléphone, et le testant.
Tu lui as répondu ?...
ELDA
Visiblement fâché, je l’ai donc détendu
En dédramatisant et, d’une voix sereine
190 J’ai dit que ton roman viendrait dans la semaine.
Et que six petits mois de retard n’étaient rien
Car nous parlons chef-d’œuvre ici, pas d’un bouquin.
Suis-je là dans le vrai ?
LEOPOLDO
Un chef-d’œuvre... quand même !
ELDA
195 Excuse-moi, Léo, si JE suis un problème !
LEOPOLDO
Mais non non, pas du tout, le livre sera prêt,
C’est juste qu’un chef-d’œuvre...
ELDA
On peut l’imaginer,
Tu y mets tant d’ardeur que des flammes t’immolent !
200 Depuis combien de temps ? Trois longues années folles !
LEOPOLDO
Le titre est bien tu sais. Oui, vraiment... il est bon.
Et LUI est un appel ! Ni trop court, ni trop long.
Le téléphone sonne.
ELDA
Montrant le téléphone du doigt
Ça ! c’est un appel !
LEOPOLDO
Essuyant sa main dans sa manche.
Bien, c’est que je suis humide.
Léopoldo hésite puis décroche.
ACTE PREMIER, SCENE QUATRE
Alban, Léopoldo, Elda
ALBAN
205 Je veux mourir ! Mourir ! Vivement mon suicide !
LEOPOLDO
J’ai hâte aussi d’y être.,(A Elda) Alban est impatient,
Pour ce soir.
ALBAN
Et j’attends, j’attends comme un enfant
Devant une vitrine alléchante et gourmande,
210 J’attends comme un sapin qui attend sa guirlande.
Prenez bien soin du feu, mon vieux Léopoldo,
Protégez-le ! Son âme est mon dernier flambeau !
Je suis cocu ! Cocu !...
LEOPOLDO
Je lui dis (à Elda) Il t’embrasse.
ALBAN
215 Eglantine est bouillante et moi je suis de glace
Face à mon destin mort avec ce cœur perdu
Ce cœur qui m’a trompé avec quel malotru !...
ELDA
Regardant le révolver, le touchant légèrement, puis retirant sa main car celui-ci est encore chaud.
Passe lui le Bonjour et embrasse sa femme !
ALBAN
Je la maudis ! Maudis sa bouche ! Qu’une lame !
220 Ses yeux ! Que des poignards ! et je maudis ses mains,
Son cœur, qu’une passoire ! Et je maudis ses seins,
Cette poitrine ouverte à toutes les fenêtres !
Je maudis tellement, je maudis tous les êtres,
Je maudis tout !
LEOPOLDO
Elda regarde fixement Léopoldo, embêté.
225 Elda vous passe le bonjour...
A vous et... à la vôtre !
ALBAN
Ah quel bonjour l’amour !
Vite que nous dînions tant la force me lâche
Pour me sentir comblé avant le coup de hache.
LEOPOLDO
230 Vingt heures. Entendu. Donc à ce soir Alban.
ALBAN
Viendrez-vous, mon ami, à mon enterrement ?
Léopoldo raccroche le téléphone.
ACTE PREMIER, SCENE CINQ
Léopoldo, Elda
LEOPOLDO
Ah quel sacré garçon, pressé, dans la jeunesse,
A croire que la mort le pourchasse sans cesse.
Après tout, n’a-t-il point que trente ans sur le dos
235 Et qu’il a tout son temps pour trouver du repos,
Même s’il se devrait d’en prendre, à l’évidence.
ELDA
Du travail il comprend toute son importance,
Le contraire d’un roi, dont sa proximité
Donne à sa brave épouse un coléreux aspect.
240 Mais crois-moi, c’est avec amour que je t’agresse
En parlant d’ascenseur, du livre et de ta graisse,
Car j’ai cette impression d’habiter un brouillard
Quand hier je fus l’Egypte et que tu fus César ;
Oui j’ai cette impression d’un boulet que je traîne,
245 Fait de chair et de sang, quand hier je fus reine.
Si je monte la voix, si je hausse le ton
C’est que cherche plus de considération !
Prenant le révolver et le plaquant contre son cœur.
C’est cela que tu veux !
LEOPOLDO
Mais ne sois pas si sotte,
250 Cet objet est chargé et très grande est sa cote
Qu’il puisse te tuer.
ELDA
Reposant le révolver.
Tu aurais bien la paix !
Réfléchis, réfléchis aux autres grands dangers.
Réfléchis fortement ! Comme à nous par exemple !
255 Enlève une colonne et s’écroule le temple,
Pense et vois la fissure entre nous s’agrandir.
La con-si-dé-ra-tion !
LEOPOLDO
Ma chérie...
ELDA
Pour finir
260 Car j’aimerais finir. Serait-ce une pitance
Si tu pouvais pour moi déballer ta bectance
Pendant que je me douche ? Ou est-ce trop encor
Demander à Monsieur l’ancien conquistador
(S’en allant puis se retournant)
Combien d’années déjà que nous sommes ensemble ?...
265 Dix-neuf automnes, non ?
LEOPOLDO
Dix-neuf printemps me semble.
ELDA
Combien de restaurants ? Combien de cinémas ?
De théâtre ? c’est nul, je ne m’en souviens pas.
Réfléchis bien, Léo, avant que je ne songe
270 A ne plus avoir mal de plus aucun mensonge.
Elda sort de scène
ACTE PREMIER, SCENE SIX
Léopoldo
Un seul baiser suffit et vous voici marié,
Un baiser contre un mur, vous voilà encerclé,
Tout juste un coin de lèvre inoffensive et fraîche,
Mais vous, vous ignorez, vous tombez dans la brèche.
Léopoldo se donne deux gifles
275 Reprenons nos esprits. Résumons calmement.
Alban attend sa mort - c’est assez convaincant -
Et j’invente une enfant pour qu’il se décourage,
Et que par cette fille il voit dans son corsage
La beauté de la vie et retrouve le goût.
280 Me reste à la trouver. Internet est partout,
Grâce à lui je ne doute et trouverai la perle
Qui fera bien chanter le requiem du merle.
Quant à Pognon, c’est dur de pouvoir lui donner
Un livre inexistant qu’il croit presque achevé.
285 Mais je lui mentirai comme à mon habitude :
« Six mois je te promets, la plume est une étude»,
J’écrirai un déchet que le peuple lira
Un petit « Fait du Prince » et il s’enrichira.
Il ne m’aura pas lu, mais tiendra la recette,
290 Car mon nom représente un peu plus qu’un poète !
Tant pis si d’une daube un jeune et vrai talent
Reste devant la porte à croire en son roman.
L’interphone sonne. Léopoldo répond
ACTE PREMIER, SCENE SEPT
Léopoldo, Alicia
LEOPOLDO
J’écoute.
ALICIA
Alicia Gun, et je viens pour l’annonce
295 Que vous avez laissé sur internet.
LEOPOLDO
L’annonce ?
ALICIA
Oui Monsieur, vous cherchez selon ce qu’elle dit
Une aide ménagère. Il est aussi écrit
Appelez Elda Bronx. Suis-je bien chez Madame ?
LEOPOLDO
300 Certainement. Elda Bronx est parfois ma femme.
L’avez-vous appelée ?
ALICIA
Non Monsieur, j’ai pensé
Qu’étant dans le quartier...
LEOPOLDO
Il suffit de sonner,
305 Et nous vous répondons, et vous avez le poste.
ALICIA
Désolée, pour cela je n’ai point de riposte
Que d’avoir essayé d’aller au plus urgent
Car je suis étudiante et j’ai besoin d’argent.
Excusez-moi encor d’une telle démarche.
LEOPOLDO
Léopoldo ouvre la porte du bas.
310 L’ascenseur a rompu , mais l’escalier marche.
Huitième étage à droite et au fond du couloir.
Le temps sera plus sec que sur votre trottoir.
ALICIA
Merci Monsieur ! Merci !
LEOPOLDO (seul)
Ouvrant sa porte
Et si j’étais un dingue
315 Qui voudrait d’une fille ? Un mec muni d’un flingue
Et qui sous la menace abuserait des corps
Avant de les tuer comme de simples porcs ?
La jeunesse est paumée, elle n’a plus de tête !
Il n’y pas qu’Alban qui aujourd’hui m’inquiète !
ACTE PREMIER, SCENE HUIT
Elda, Léopoldo
ELDA
320 Dernier petit détail, néanmoins important :
Range ce pistolet qui me serait tentant
Et par pitié, Léo, ne cherche point d’excuse,
Enlève-moi ce truc avant que je n’en use.
LEOPOLDO
Prenant le révolver et le mettant dans sa poche
Pour l’annonce Internet. Tu sais, fée du balai,
325 Quelqu’un est là pour toi qui monte l’escalier.
ELDA
Débrouille-toi un peu ! Si l’offre l’intéresse
Vois avec la personne !
LEOPOLDO
Et l’ancienne ?
ELDA
Est en Grèce.
330 Monsieur n’écoute rien, comment peut-il savoir ?
Mon Dieu, mais quel époux n’ai-je pas pu avoir ?
LEOPOLDO
Regardant à nouveau son ventre
(A voix basse – en aparté) Pour un baiser perdu…
ELDA
S’en allant
Juste pour ta gouverne
J’ai opté pour un bain tant mon cœur est en berne...
LEOPOLDO
335 Que connais-je en plumeau ? Ou en aspirateur ?
Chérie, je suis un homme.
ELDA
Revenant sur scène
Alors, mon empereur
Que la chose soit claire entre nous, (criant) ne m’appelle
Plus chérie ni mon cœur ni ma puce ou ma belle
340 Ni princesse, ni rien, ou je ne sais quel mot
Qui m’en causerait tant avant un renouveau !
La con-si-dé-ra-tion ! Non pas qu’un seul régime,
Je veux à ton égard grandir en ton estime.
Elda sort